Premiers Vertiges - Galerie Ketabi Bourdet

11 mars - 7 avril 2023

Vous rappelez-vous de vos premiers vertiges ? Ceux de votre corps, de votre esprit, de votre cœur ?

 

Il était une fois, sept petites filles, les Vivian girls, amenées, pour sauver tous les enfants du monde à se battre contre le peuple des adultes, les Glandeliniens. Créée de toutes pièces par l’artiste inconnu de son vivant Henry Darger, l’épopée des Royaumes de l’irréel est une source d’inspiration fertile pour les générations suivantes. C’est d’ailleurs lors d’un échange avec la peintre Marcella Barceló qu’à nouveau m’est apparu la fécondité de son œuvre. Les fleurs irisées aussi géantes qu’artificielles semblent avoir été semées à partir des mêmes graines. Les petits êtres paraissent protéger un lourd secret, une catastrophe pourrait vite arriver... Les créatures hybrides volent et surgissent des mondes flottants jusqu’aux dessins de la designer et artiste Elizabeth Garouste. Son miroir est une mise en abîme, le reflet se morcèle, que regardons-nous vraiment ?

En dirigeant le regard à l’intérieur de nous-même, nous pouvons aussi être en proie aux vertiges. Au loin, on entend les sons du carnaval où les monstres et les anti-héros sont célébrés. La peintre Amélie Bigard dresse une fresque de personnages égarés où seul le costume tient lieu de présentation. La créature aux fraises du styliste Charles de Vilmorin fleurit du dessin au vêtement. Assise dans son rocking chair (hommage de Bob Wilson à l’artiste Clémentine Hunter), la femme sans tête se balance en poursuivant sa rêverie. 

Face au banc du designer Olivier Gagnère, l’artiste Valentin Ranger révèle la genèse d’une nouvelle utopie. Tel un dieu omniscient, il déclame "Je dois m’occuper des êtres perdus dans les corps divisés, ceux qui ont besoin d’une nouvelle histoire, je suis omnisexe [...] Créature, je deviens monstre seulement devant certains regards. Je ne rêve que d’aimer."

Le corps n’est-il pas une arche ? Il sert de vaisseau à travers lequel la peintre Tal Regev canalise et transporte les énergies. Il se fractionne et peut, comme pour Sainte-Thérèse, tomber en extase : " J’ai vu dans sa main une longue lance d’or, à la pointe de laquelle on aurait cru qu’il y avait un petit feu. Il m’a semblé qu’on la faisait entrer de temps en temps dans mon cœur et qu’elle me perçait jusqu’au fond des entrailles ... "

 Les personnages colorés se consomment et se consument. La chute de l’être ailé sur ce fruit défendu aux courbes et reflets solaires de la photographe Maisie Cousins rappelle le mythe tragique d’Icare. En s’approchant trop du soleil, la chaleur a fait fondre la cire jusqu’à ce que ses ailes finissent par le trahir, il meurt précipité dans la mer. Les vagues se mêlent au sang d’Uranus pour faire naître les Venus de la peintre Inès Longevial. Le long de leurs visages coulent les forces séminales. " À l’image d’un phœnix qui s’enflamme pour renaître de ses cendres, peut-être que nous renaissons plusieurs fois de nos premières aventures." Le patchwork aux mille visages est "comme une enveloppe de mémoire, de tout ce brasier des premiers et derniers vertiges." 

Tant que l’homme est capable d’étonnement, l’art existe et j’ai le naïf espoir qu’il puisse substituer l’ordre au chaos et comme l’évoquait le philosophe Henri Maldiney "le rythme au vertige.

Locus Amoenus - Marcella Barcelò- Galerie FORMA

3 juin - 13 juillet 2022

L’artiste doit suivre l’esprit de la nature qui est à l’oeuvre au coeur des choses et ne s’exprimer par la forme et le dessin que comme s’il n’était question que de symboles.Schelling, Friedrich Wilhelm Joseph, Des Rapports des Beaux-arts et la nature, 1807

Habiter le monde n’est pas chose aisée ; il est parfois désenchanté et livré à nous sans aucune précaution poétique. Sans crier gare, il arrive pourtant que le merveilleux puisse s’inviter dans nos esprits au contact du Beau. C’est bien de cette expérience qu’il s’agit lorsqu’on se laisse aspirer dans l’oeuvre de Marcella Barceló. Nos premières rencontres datent de 2020, elles sont fugaces mais nous marquent déjà profondément. Le lien se resserre à l’occasion de l’exposition Miss Dior au château de la Colle Noire puis lors de l’édition d’Art Paris 2021 où nous l’inscrivons dans le parcours curatorial « Portrait et figuration, Regard sur la scène française. ».

L’écume des Songes - Poush Manifesto

8 septembre - 14 octobre 2021

Sur une invitation de POUSH Manifesto, l’exposition L’écume des songes entre en résonance avec la sélection d’Hervé Mikaeloff sur le thème du portrait et de la figuration sur la scène française pour l’édition 2021 d’Art Paris.

« Je rêve d’un long rêve où chacun rêverait. Je ne sais pas ce que va devenir cette nouvelle entreprise des songes. Je rêve sur le bord du monde et de la nuit. » Louis Aragon, Une vague de rêves

Les songes peuvent nous aider à habiter le monde de manière plus sensible. Parfois, ces visites nocturnes sont si puissantes qu’elles s’imposent à nous et se manifestent plastiquement. En réunissant douze artistes issus de la scène émergente, nous est apparue une unité poétique de la figure puisant ses références dans une mythologie commune. L’exposition L’écume des songes est pensée en plusieurs temps. De même qu’à la lecture des premières pages d’un roman, les personnages nous sont d’abord inconnus et les mots ne font pas encore sens. Les images dorment et demeurent voilées. Tout reste encore à déchiffrer. (Guillaume Valenti et Garance Matton).

Nous sommes invités à quitter le monde rationnel, à nous détacher du filtre mental pour nous laisser glisser dans l’histoire. Puis, c’est en tirant les liens qu’un immense filet aux mailles innombrables remonte à la surface de notre conscience et fait émerger des figures... Celles- ci prennent la forme de dormeurs (Diane Dal-Pra) puis deviennent présences, fantasmes, rêveries. Chaque portrait est ici une projection de l’âme, du cœur de son créateur. Il s’agit bien souvent de son intimité, de sa perception de lui-même ou de ce qui l’entoure. Au commencement, l’Eau, l’immersion et le plongeon à l’intérieur de la grotte originelle (Charles Hascoët). Il faut franchir le portail (Cecilia Granara) pour atteindre les différentes strates du rêve (Rose Barberat, John Fou, Victoria Kosheleva, Lucile Piketty) et du fantasme (Madeleine Roger-Lacan). Un flot de couleurs par vagues successives porte et anime cette galerie de portraits flottants.

À l’approche de l’aurore, nous sommes comme projetés au large du réel (Dhewadi Hadjab). De notre nuit, il ne nous reste plus que des traces (Louis Verret). Ces confessions visuelles issues des profondeurs sont comme des germes d’un monde nouveau. Une invitation à l’émerveillement d’une génération. Que restera-t-il de l’écume des songes ?

Hervé Mikaeloff • Elise Roche

Avec Rose BARBERAT, Diane DAL-PRA, John FOU, Cecilia GRANARA, Dhewadi HADJAB, Charles HASCOËT, Victoria KOSHELEVA, Garance MATTON, Lucile PIKETTY, Madeleine ROGER-LACAN, Guillaume VALENTI et Louis VERRET

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